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Histoire récente: portraits de théologiennes

A l’occasion de l’anniversaire de la loi fédérale sur l’égalité des hommes et des femmes, l’agence Protestinfo a publié quatre portraits de théologiennes qui ont joué un rôle dans l’élaboration de la théologie féministe critique du XXe -XXI e s. Nous les reprenons ici.

1. Elisabeth Schüssler Fiorenza : « Du pain, pas des pierres ! » : Naissance de la théologie féministe de la libération

2. Dorothée Sölle : Le cri silencieux : mysticisme et résistance

3. France Quéré : éthicienne de la famille au « féminisme raisonné »

4. Kari Elisabeth Börresen : Déraciner l’injustice pour retrouver l’égalité

les femmes de la Bible 6

Noémie

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Une femme, médiatrice généreuse, avisée, aimée, permet à la vie de se poursuivre et de croître, au-delà du deuil.

 

Noémie –Naomi : son nom vient de l’hébreu qui signifie « aimable, agréable, gracieuse ».

Ce personnage féminin apparaît dans le Livre de Ruth, l’un des livres de la troisième partie de l’Ancien Testament. Il est un récit littéraire qui permet de faire connaître le point de vue des Sages (auteurs des Ecrits ou livres de sagesse), au sujet de la place de l’étranger, de l’étrangère en Israël à cette époque. L’auteur est inconnu, il semble avoir utilisé une histoire du temps des Juges (Rt.1.1.) pour parler des problèmes de son temps.

Le contexte. En ce temps-là, il faut souligner qu’il y a beaucoup de pauvreté dans le pays. Les gens vivent de l’agriculture, mais ne sont plus propriétaires de la terre. Le pauvre qui possède encore un petit lopin est obligé de l’abandonner ou de le vendre à cause des impôts. Pour ne pas mourir de faim, beaucoup de gens arrivent même à vendre leurs propres fils et filles comme esclaves ; esclaves pour travailler la terre des autres. Il y a bien une loi qui dit que ce qui reste dans le champ après la moisson revient aux pauvres ( Lv. 19,9-10 ), c’est un droit donné par Dieu, mais le pauvre n’a le droit de glaner le reste, uniquement si le patron du champ lui en donne la permission. Le droit a été transformé en aumône. La loi dit aussi que si quelqu’un est obligé de vendre son terrain à cause de sa pauvreté, son parent le plus proche doit le racheter pour éviter que la famille reste sans terre ( Lv 25,25 ), mais les parents riches ne s’intéressent plus à leurs frères pauvres et ne respectent plus la loi, au contraire, ils exploitent la famine et détournent les lois pour voler la terre aux pauvres (Ne 5,3-5 ; Rt 4,3-4). La solidarité de la famille, du clan n’existe plus et la misère oblige les gens à émigrer.

Esdras, un influent docteur de la loi, (Esd 7,6), pensait que la souffrance du peuple était le châtiment de Dieu. Châtiment de leur relâchement dû aux mariages mixtes avec des femmes étrangères et laissant s’implanter des coutumes païennes. Esdras proposa donc de renvoyer les femmes étrangères et leurs fils (Esd 10,3.11). Il voulait reconstruire le peuple autour de l’observance de la loi de Dieu (Ne 8,13) par un retour à la pureté de la nation (Esd 9,2).  C’est dans ce contexte que le Livre de Ruth semble avoir été écrit.

Le récit. Noémie a déjà un âge certain lorsqu’elle quitte le pays de Moab pour retourner chez elle, en Israël. C’est à cause d‘une famine qu’elle était partie à l’étranger, c’est la même cause qui l’incite à y retourner. Elle a perdu Elimélek son mari, et ses deux fils Mahlôn et Kilyôn. Elle rend leur liberté à ses deux belles-filles afin qu’elles puissent « refaire leur vie ». L’une, Orpha s’en va, non sans tristesse. L’autre, Ruth, refuse d’abandonner cette vieille belle-mère et veut la suivre dans son retour au pays natal :  Ne me presse pas de t’abandonner et de m’éloigner de toi, car où tu iras, j’irai, où tu demeureras, je demeurerai; ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu. Là où tu mourras, je mourrai et là je serai ensevelie. Que Yahvé me fasse ce mal et qu’il y ajoute encore cet autre, si ce n’est pas la mort qui nous sépare ! Rt.1,16ss. Cette extraordinaire déclaration de fidélité de Ruth touche le cœur de Noémie qui finalement accepte sa proposition. Remarquons que l’auteur utilise le mot ‘hesed pour parler de l’amour inébranlable dont fait preuve Ruth à l’égard de Noémie. A ce moment-là, par une incroyable audace du rédacteur, c’est elle – l‘étrangère – qui exprime la sollicitude de Dieu pour Noémie, l’Israélite ( le mot ‘hesed sert à désigner l’amour constant de Dieu pour son peuple au sein de l’Alliance).

Elles arrivèrent au début de la moisson des orges. A ce moment-ci, Noémie prie son Dieu sous le nom de Shaddaï – le Puissant – car elle croit que Yahvé l’a abandonnée, et elle demande à ses connaissances de ne plus l’appeler Noémie, mais  « Mara, amère » , car dit-elle « Comblée j’étais partie, mais vide Yahvé me ramène », Rt. 1,20ss.

Ces deux femmes s’organisent pour survivre. Noémie se souvient des lois concernant l’étranger, la veuve, l’orphelin, que l’on doit laisser glaner les champs afin qu’ils puissent avoir de la farine et du pain. Mais aussi de la loi qui commande au frère du mari d’épouser la veuve pour qu’elle ne tombe pas dans la misère, que les biens restent dans le clan, et que le nom de la famille soit honoré. Ruth va glaner et se trouve  par hasard dans le champ du cousin Booz. Il parle avec cette belle travailleuse étrangère, apprend son lien avec Noémie et la manière dont elle l’a entourée ; et commande à ses gens de la laisser faire sans la rudoyer.

Puis, Noémie dirige les activités de Ruth et de Booz à travers diverses péripéties jusqu’à ce que leur mariage – devant tout le peuple  – conclue la situation. Un enfant naît, il se nomme Obed. Et Noémie est comblée et bénie à travers lui, car elle a une descendance malgré la mort qui avait frappé si durement sa vie. Elle a repris confiance, loue le Seigneur et reprend son prénom.

Noémie présente ici l’intelligence des Sages  (auteurs des Livres de sagesse) qui sait tenir compte des circonstances pour intégrer l’étrangère ( et quelle étrangère : la ressortissante d’un pays ennemi) et transformer le dur matériau de l’histoire en pain pour la vie, celle d’une famille, celle d’une cité ; et même celle d’un peuple, puisque Obed, fait partie de la généalogie de David. Il y a donc encore, là, une critique de l’idéal de pureté national puisque le grand roi David avait une aïeule moabite.

La forme d’intelligence active qui s’exprime par Noémie, par Ruth, ainsi que par le cousin Booz, se différencie de celle des maîtres d’Israël ( Esdras en particulier) qui n’acceptent plus les mariages mixtes. Les deux fils de Noémie n’en avaient –ils pas contractés ? Et le nouveau mariage mixte entre Booz et Ruth est béni par la venue de l’enfant. Le texte souligne que le fait d’avoir été marié à un Israélite donne parfois à une étrangère la possibilité de s’intégrer à la vie sociale et religieuse de ce pays ; à bénéficier de ses lois et coutumes.  Noémie est  la représentante de l’esprit des Sages, moins rigide, moins excluant, plus tolérant, que celui des tenants du pouvoir en place.Noémie, une figure de médiatrice, généreuse et avisée, entre l’extérieur et l’intérieur du pays, entre Moab – où elle trouva nourriture en un temps de famine – et Bethléem de Juda, cité où sa famille était installée depuis longtemps (Rt.1,2 ; 4, 22).

1. Par exemple, A. Lacoque, Subversives, Un pentateuque de femmes, cerf, 1992

Image : Ruth and Naomi (engraving) Illustrated Bible History (1881) by Bill Publishers





Documentation



Sitographie


http://www.theologinnen.ch/romandie
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http://www.feps.ch


http://www.ucfvaud.ch ou info.ucf@bluewin.ch


Ruban Blanc contre la violence envers les femmes, www.ruban-blanc.ch


Rencontres ‘PluriElles’ 2009,  thème : Au nom de la loi, je vous aime. 2010 L’argent


Audiovisuel

Jacqueline Veuve, cinéaste. voir ‘Bonne Nouvelle’, septembre 2010

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Bibliographie

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Femmes, hommes, et sociétés

Concilier travail et famille

Que reste-t-il du deuxième revenu d’une famille lorsque les frais de crèche et les impôts ont été payés ? (pdf ) conférence romande de l’égalité.

Magdalena Rosende, Nathalie Benelli eds., Laboratoires du travail, Editions Antipodes, Lausanne, 2008


Education, formation, développement personnel

Corinne et Martine Chaponnière, La mixité, Des hommes et des femmes, Infolio,2006.

L’ouvrage examine la manière dont la mixité s’inscrit dans la société, l’éducation, le travail et la politique, à travers des expériences pionnières, des progrès et des régressions.

‘Femmes en formation: tout change…et tout reste à faire ! cahier 123, juin 2009, UNIGE, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, collection ‘pratiques  et théorie’.

L’évolution du champ ‘Femmes et Formation’, le bilan de trente ans d’enseignement et de séminaires à l’Université de Genève, section Sc. de l’Education. Préfacé et postfacé par les deux premières professeures, Mmes R. Darcy de Oliveira et M. Chaponnière; et rédigé par Mme E. Ollagnier, professeure. Trois femmes, trois sensibilités, trois époques. Et de nombreuses citations de réflexions d’étudiantes font prendre la mesure d’une époque de changement très importante pour les femmes et les hommes.

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Eléments pour comprendre le judaïsme et le féminin

Marek HALTER, Sarah, La Bible au féminin 1, Pocket, 2003

 »          »   , Tsippora,    »        »     »          2, Pocket, 2003

 »          »   ,  Lilah,         »         »      »        3, Pocket, 2004

 »          »   ,  Marie, Robert Laffont, 2006

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Eléments pour comprendre l’Islam et le féminin

Annemarie Schimmel, L’islam au féminin, La femme musulmane dans la spiritualité musulmane, A.Michel, Paris, 2000

Mireille VALLETTE, Islamophobie ou légitime défiance ?,Egalité des sexes et démocratie: les Suisses face à l’intégrisme islamique, Favre, 2009,coll. débat public

* Martine GOZLAN, Pour comprendre l’intégrisme islamiste, A.Michel, Paris,1995, 2002

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Histoire

Dufourg Elisabeth, Histoire des chrétiennes, L’autre moitié de l’Evangile, Bayard, Paris, 2008.

Adler Laure, L’insoumise, récit, Actes Sud, 2008. Une biographie de Simone Weil, celle que l’on a parfois nommée : une sainte laïque.


Les femmes de la Bible 2 : Déborah

Déborah

prophétesse, juge, cheffe de guerre

Déborah : ce mot, ce nom, signifie abeille, mais il évoque aussi l’harmonie et sa racine hébraïque est la même que celle de parler, ce qui évoque la capacité de communiquer.

Il y a deux Déborah connues dans les textes bibliques, l’une est la nourrice de Rébecca l’une des matriarches du Livre de la Genèse. C’est la seconde, la plus connue, qui nous intéressera ici. Elle appartient au Livre des Juges.

Déborah femme prophétesse, épouse de Lapidoth, ce texte la désigne par sa féminité, sa fonction, son statut. De plus, elle démêle les situations embrouillées, elle est juge. Elle siège, en plein air comme c’était la coutume, sous le palmier de Débora, entre Ramah et Beth El, sur le mont Ephraïm. Les Israélites montent vers elle pour régler leurs conflits comme le dit Jg.4, 4-5. Or ces deux lieux ne sont pas anodins : l’un, Rama (hauteur) est l’autre nom de Bethléhem où fut enterrée Rachel, la femme aimée de Jacob, et l’autre, Beth El, est l’ancien nom de Jérusalem, lieu ainsi nommé quand Jacob se réveilla de son rêve d’échelle qui reliait terre et ciel. Déborah ne choisit pas son territoire au hasard, se tenant là précisément « elle rapproche les cœurs des amants séparés, elle unit Israël et diaspora, elle rassemble le cœur de toute la communauté «  dira P. Haddad. C’est pourquoi elle se tiendra sous le palmier car « De même que le palmier n’a qu’un cœur ainsi tout le peuple durant le règne de Déborah n’avait qu’un cœur », dit le traité Méguilah (14a).

Mais Déborah est aussi une femme d’action. Au XIIe s. environ av. J.-C., la situation est difficile pour les tribus israélites. Les Cananéens veulent les réduire en esclavage ou les chasser du pays. Ils menacent de couper les tribus du nord de celles du sud en occupant la plaine d’Esdrelon.

Entre le général ennemi Sisera et Déborah deux mondes s’affrontent que le sens de leurs noms indiquent : le premier évoque le broyage, le concassage, l’action violente ; le second évoque l’intelligence qui sait séparer les éléments, soit discerner, ou encore la flamme qui éclaire (par son lien à son mari nommé Lapidoth, mot qui contient le terme ‘lapid : la flamme ou, autre interprétation, par les mèches qu’elle préparait pour le chandelier du temple). Elle a donc une intelligence qui discerne et éclaire. On comprend ainsi sa fonction de juge et de prophétesse. Alors que le roi ennemi et son général renvoient à la conquête des espaces géographiques, « une femme au discernement effectif reconstruit la parole, repousse l’obscurité et fait régner la justice » dit Haddad.

Débora s’adresse à un chef militaire Baraq (l’éclair). Au nom du Seigneur elle demande à ce chef de la tribu de Nephtali, de rassembler dix milles hommes sur le mont Tabor. Lui sait que sa  propre puissance, si elle a la fulgurance de l’éclair, ne dure pas, aussi il lui répond : « Si tu m’accompagnes j’irai, sinon je n‘irai point ». Il veut s’appuyer aussi sur l’intelligence lumineuse de Débora. Il veut qu’elle l’accompagne sur les montagnes. Elle accepta. Le général cananéen Sisera déploie ses chars. Au jour choisi, Débora demande à Baraq de passer à l’attaque. Une pluie torrentielle s’abat sur la vallée. Les chars des Cananéens s’embourbent. C’est la panique. (On pense à l’exode et aux chars égyptiens bloqués et submergés). Les cananéens sont vaincus et leur général en fuite sera tué par une autre femme, Yaël (Jg. 4,4-22). Ayant allié leurs compétences, Baraq et Débora obtiennent la victoire. Et nous dit le texte, ensemble il la chante « Et Déborah chanta avec Baraq fils d’Avinoam ce jour là ». Plus loin dans ce poème, elle se nomme comme mère protectrice faisant régner la paix :

« Les commanderies avaient cessé en Israël, avaient cessé jusqu’à ce que je me sois levée, Débora, que je me sois levée, mère en Israël », Jg.5,7. Et le texte conclut en rappelant que le pays fut tranquille durant quarante ans.La lectrice, le lecteur, de la Bible connaît cette histoire par deux formes d’écriture : d’une part, un long poème épique, qui était vraisemblablement chanté, pour célébrer la victoire, puis, utilisé pour célébrer d’autres victoires. Ce chant de Déborah (Jg.5,1-31) est un des très anciens textes de la Bible. Et de l’autre, le récit, plus récent, de cette bataille, Jg. 4,1-24.

De retour d’un périple en Israël, j’avais dédié un petit poème à cette étonnante femme de la Bible:

Débora

Mère debout, mère en armes

Toi qui affronta et défit les ennemis de ton Israël

N’entends-tu pas ?

Les plaintes des enfants qui montent encore de cette terre

Encore pris aux filets de la guerre

Encore en quête d’un peu de paix

D’un rien d’amour…

Extrait  de poème de Michèle Bolli, Margelles.

Déborah 2

Ci-dessus : image web : eg.org/lit/bible/hist./juges3.htm

P. Haddad, Ces Hommes qui parlaient, Réflexion sur le prophétisme, Laurens, Paris, 1997

Les femmes de la Bible 1.


Myriam, la prophétesse

Dans la Bible, sœur d’Aaron et de Moïse, fille d’Amram et de Yokebed.

Son nom

Comme un puzzle, son nom rassemble plusieurs sens qui correspondent aux différentes manières de présenter ce personnage féminin. Lu du côté de l’hébreu, il signifierait : (‘mar) amer, de goût ou de parfum, (‘mrr), lointaine racine sémitique du terme latin ‘murra (contient l’idée d’amertume, une des composantes de l’odeur de cette plante qui suinte une résine parfumée, et qui est très présente dans le Cantique des cantiques). Et son autre partie : (‘yam), la mer.

Ou encore (’meri) c’est-à-dire rébellion. D’où cette forme d’esprit que Miryam manifesta, à plusieurs reprises, selon le midrash. Ou encore à partir de l’égyptien ancien :’mrit’, ‘aimée’. Nom qui annonce et récapitule son histoire. La vocalisation araméenne Mariam a donné le grec Maria, d’où le français Marie.

Sa situation dans la Bible

On trouve sa trace dans les livres de l’Exode (Ex.15. 20-21) ; des Nombres (Nb.12,-15;

20, 1) ; de Michée (6,4). Et plusieurs Midrashim la citent, l’associant à des actions de résistance pour préserver la vie, telles le refus des sages-femmes d’obéir à l’ordre de Pharaon de tuer les garçons nouveaux-nés.

Son histoire

Selon l’histoire contée par la Bible, Myriam était née à une époque où l’esclavage en Egypte était à son point le plus dur, le plus amer, comme le dit le texte : « Et ils [les Égyptiens] rendirent leurs vies amères [vayemarrerou, de la racine ‘mar] avec un travail difficile » (Exode 1,14). Elle ressentit l’amertume et la douleur que vivait dans sa chair le peuple auquel elle appartenait.

Myriam lutte pour que la vie continue malgré les conditions difficiles de ce temps. Ne fut-elle pas cette sœur qui veilla sur le berceau de son frère – Moïse — bébé laissé aux eaux du Nil, (Ex.2, 1-10)? Furent-elles, sa mère et elle, ces sages-femmes qui sauvèrent certains garçons nouveaux-nés de la loi de mort édictée par Pharaon ? Lors de la sortie d’Egypte, n’est-elle pas celle qui accompagne et soutient la (re)naissance du peuple hébreu ? Et l’apprentissage de sa vie nouvelle ? Au désert, la légende conte un nouvel exploit de son singulier rapport à l’eau : après le sauvetage de son frère, puis la traversée de la Mer des roseaux, elle obtient un puits miraculeux, grâce auquel le peuple peut trouver à boire, il disparut à sa mort.

Elle est encore, celle qui partage la responsabilité de la conduite du peuple, avec ces deux frères, selon le prophète Michée (6,4). Une seule fois, sa parole de rebelle lui vaut une sanction. Alors, ses frères intercèdent pour elle. De plus, le peuple l’attend, refusant de partir sans elle (Nb.12, 1-15 ; 10-15). Elle est pardonnée. Elle est aimée (comme l’exprime son nom).

Qu’a-t-elle à nous dire ?

Comme lorsque les Hébreux vivaient en esclavage, «dans l’enfer concentrationnaire les individus sont des fonctions jamais des noms ». Myriam rompt avec ce fonctionnement et crée des liens entre des personnes. « Myriam est donc la sage-femme de la communication » dit P. Haddad. Il poursuit : « Ici se dessine déjà sa vocation prophétique : calmer la douleur, être présent à l’autre, vivre avec autrui, continuer la vie ». Il rappelle qu’elle est intervenue auprès de ses parents pour qu’Aaron, son premier frère, ne soit pas le dernier des enfants à naître. Son vœu fut exaucé, car plus tard, Moïse vint au monde.

Ce qui ressort fortement de ces quelques épisodes, c’est sa confiance et son amour pour la vie. Vie avec les autres, avec Dieu. Vie qu’elle préserve, soigne, et fait grandir. Celle des individus, puis celle de tout un peuple. Et, c’est ce trait de caractère qui explique aussi son attitude de révolte contre ce qui menace ses proches. Celui-là, aussi, que Dieu semble remarquer ; qu’il requiert d’elle pour conduire, avec ses frères, cette rupture et ce mouvement de libération. Puis, la vie difficile qui s’en est suivi. Parfois, en un rôle liturgique, elle en compose le chant poétique, pour remercier Dieu de son aide lors de cette reconquête de la liberté: « Chantez le SEIGNEUR, il a fait un coup d’éclat. Cheval et cavalier, en mer il les jeta ! », (Ex.15, 20 -21). Et, joignant le geste à la parole, au son du tambourin, elle entraina tout le peuple dans sa danse.

A lire aussi à ce sujet :

Bolli Michèle, « Le geste et le chant d’une prophétesse », Le souffle des femmes, Des credos au féminin, Luce Irigaray ed., ACGF, 1996

Haddad P., « Myriam. Avant l’heure du féminisme », Ces Hommes qui parlaient, Réflexion sur le prophétisme, Laurens, Paris,1997, p.95ss.

Vidal Marie, Les sept prophétesses, Cosmogone, Paris, 2006

par Michèle Bolli (Dr en Théologie).