Les femmes de la Bible 1.


Myriam, la prophétesse

Dans la Bible, sœur d’Aaron et de Moïse, fille d’Amram et de Yokebed.

Son nom

Comme un puzzle, son nom rassemble plusieurs sens qui correspondent aux différentes manières de présenter ce personnage féminin. Lu du côté de l’hébreu, il signifierait : (‘mar) amer, de goût ou de parfum, (‘mrr), lointaine racine sémitique du terme latin ‘murra (contient l’idée d’amertume, une des composantes de l’odeur de cette plante qui suinte une résine parfumée, et qui est très présente dans le Cantique des cantiques). Et son autre partie : (‘yam), la mer.

Ou encore (’meri) c’est-à-dire rébellion. D’où cette forme d’esprit que Miryam manifesta, à plusieurs reprises, selon le midrash. Ou encore à partir de l’égyptien ancien :’mrit’, ‘aimée’. Nom qui annonce et récapitule son histoire. La vocalisation araméenne Mariam a donné le grec Maria, d’où le français Marie.

Sa situation dans la Bible

On trouve sa trace dans les livres de l’Exode (Ex.15. 20-21) ; des Nombres (Nb.12,-15;

20, 1) ; de Michée (6,4). Et plusieurs Midrashim la citent, l’associant à des actions de résistance pour préserver la vie, telles le refus des sages-femmes d’obéir à l’ordre de Pharaon de tuer les garçons nouveaux-nés.

Son histoire

Selon l’histoire contée par la Bible, Myriam était née à une époque où l’esclavage en Egypte était à son point le plus dur, le plus amer, comme le dit le texte : « Et ils [les Égyptiens] rendirent leurs vies amères [vayemarrerou, de la racine ‘mar] avec un travail difficile » (Exode 1,14). Elle ressentit l’amertume et la douleur que vivait dans sa chair le peuple auquel elle appartenait.

Myriam lutte pour que la vie continue malgré les conditions difficiles de ce temps. Ne fut-elle pas cette sœur qui veilla sur le berceau de son frère – Moïse — bébé laissé aux eaux du Nil, (Ex.2, 1-10)? Furent-elles, sa mère et elle, ces sages-femmes qui sauvèrent certains garçons nouveaux-nés de la loi de mort édictée par Pharaon ? Lors de la sortie d’Egypte, n’est-elle pas celle qui accompagne et soutient la (re)naissance du peuple hébreu ? Et l’apprentissage de sa vie nouvelle ? Au désert, la légende conte un nouvel exploit de son singulier rapport à l’eau : après le sauvetage de son frère, puis la traversée de la Mer des roseaux, elle obtient un puits miraculeux, grâce auquel le peuple peut trouver à boire, il disparut à sa mort.

Elle est encore, celle qui partage la responsabilité de la conduite du peuple, avec ces deux frères, selon le prophète Michée (6,4). Une seule fois, sa parole de rebelle lui vaut une sanction. Alors, ses frères intercèdent pour elle. De plus, le peuple l’attend, refusant de partir sans elle (Nb.12, 1-15 ; 10-15). Elle est pardonnée. Elle est aimée (comme l’exprime son nom).

Qu’a-t-elle à nous dire ?

Comme lorsque les Hébreux vivaient en esclavage, «dans l’enfer concentrationnaire les individus sont des fonctions jamais des noms ». Myriam rompt avec ce fonctionnement et crée des liens entre des personnes. « Myriam est donc la sage-femme de la communication » dit P. Haddad. Il poursuit : « Ici se dessine déjà sa vocation prophétique : calmer la douleur, être présent à l’autre, vivre avec autrui, continuer la vie ». Il rappelle qu’elle est intervenue auprès de ses parents pour qu’Aaron, son premier frère, ne soit pas le dernier des enfants à naître. Son vœu fut exaucé, car plus tard, Moïse vint au monde.

Ce qui ressort fortement de ces quelques épisodes, c’est sa confiance et son amour pour la vie. Vie avec les autres, avec Dieu. Vie qu’elle préserve, soigne, et fait grandir. Celle des individus, puis celle de tout un peuple. Et, c’est ce trait de caractère qui explique aussi son attitude de révolte contre ce qui menace ses proches. Celui-là, aussi, que Dieu semble remarquer ; qu’il requiert d’elle pour conduire, avec ses frères, cette rupture et ce mouvement de libération. Puis, la vie difficile qui s’en est suivi. Parfois, en un rôle liturgique, elle en compose le chant poétique, pour remercier Dieu de son aide lors de cette reconquête de la liberté: « Chantez le SEIGNEUR, il a fait un coup d’éclat. Cheval et cavalier, en mer il les jeta ! », (Ex.15, 20 -21). Et, joignant le geste à la parole, au son du tambourin, elle entraina tout le peuple dans sa danse.

A lire aussi à ce sujet :

Bolli Michèle, « Le geste et le chant d’une prophétesse », Le souffle des femmes, Des credos au féminin, Luce Irigaray ed., ACGF, 1996

Haddad P., « Myriam. Avant l’heure du féminisme », Ces Hommes qui parlaient, Réflexion sur le prophétisme, Laurens, Paris,1997, p.95ss.

Vidal Marie, Les sept prophétesses, Cosmogone, Paris, 2006

par Michèle Bolli (Dr en Théologie).